BÂTIMÉTIERS n°55 Gros œuvre / Structure I 17 Juin 2019 termes de dureté et de qualité à celles utilisées à l’origine. Concernant le bois, on a aussi en France la capacité à produire dans les délais le chêne nécessaire. On pourrait commencer les coupes de bois dèsl’automne procain, sachanth que les sections de charpente pour ce type de restauration ne nécessitent pas de bois sec – au contraire, on utilise du bois vert. Et en termes de savoir-faire et d’effectifs pour les entreprises de restauration ? Le GMH-FFB, qui représente 90 % des entre- prises du secteur, regroupe 10 000 personnes, dont 8 000 compagnons, qui exercent la dizaine de métiers concernés par une telle restauration : taille de pierre, charpente, couverture, maîtres verriers, sculpteurs, restauration de décors peints, marbriers (pour les sols), plâtriers tra- ditionnels (pour les zones enduites), serrurerie d’art (notamment pour les garde-corps), écha- faudeurs. Cela dit, pour relever un tel défi, il Les entreprises se sont mobilisées pour la première phase de sécurisation, dont les travaux devraient durer environ faudra mutualiser les moyens des entreprises quatre mois, en parallèle à la phase de diagnostic. du secteur. De même, toutes les filières de formation aux métiers du patrimoine (mai- mobilisées pour retirer 1 000 m de vitraux.2 en particulier les démarches administratives : sons des Compagnons du devoir, CFA, lycées Tous ces travaux de sécurisation devraient l’État en prend le chemin avec le projet de loi techniques, etc.) vont unir leurs forces dans le durer environ quatre mois. présenté au Parlement, qui lui donnera la cadre de l’opération « Chantiers de France » liberté de mener les actions nécessaires par lancée par le gouvernement. Ces dernières Que va-t-il se passer ensuite ? ordonnance. années, notre filière a souffert du manque Ce sera la phase de diagnostic, qui a déjà d’engouement des jeunes pour les métiers du commencé. Des passages de drones ont été Dispose-t-on en France des matériaux patrimoine. Le chantier de Notre-Dame doit effectués, par exemple, pour trianguler Notre- nécessaires à la restauration ? être l’occasion de les découvrir ! J Dame sur des points GPS afin d’identifier Il y a suffisamment de carrières en exploi- d’éventuels mouvements de la structure. Il tation en Île-de-France pour pouvoir fournir (1) Groupement des entreprises de restauration des faut souligner que la cathédrale avait été le chantier, avec des pierres comparables en monuments historiques, www.groupement-mh.org intégralement numérisée avant l’incendie par une entreprise spécialisée, membre du GMH- FFB (AGP – Art graphique et patrimoine). Cela permettra non seulement de comparer les « Esprit de sauvegarde » relevés antérieurs et postérieurs à l’incendie, mais aussi, si c’est le choix qui est retenu, de Charlotte Hubert, architecte en chef des monuments historiques, reconstruire la charpente dans les dimensions membre de l’équipe de maîtrise d’œuvre de la restauration de Notre-Dame exactes d’origine. « Cinq ans pour que Notre-Dame retrouve sa charpente, son toit, une flèche, et que le public Cette phase de diagnostic, qui va durer aussi puisse y entrer à nouveau, c’est possible. À chantier exceptionnel, moyens exceptionnels ! plusieurs mois, va permettre d’établir l’état Il ne faut pas oublier qu’une grande campagne de restauration avait été engagée au moment de l’incendie. Des études préalables ont été faites, on a déjà une bonne connaissance sanitaire de l’édifice, concernant en particulier de l’édifice. Quand il s’agira d’élaborer le projet de restauration, sur la base du diagnostic les maçonneries. On connaîtra alors l’étendue en cours, de multiples questions techniques vont se poser, par exemple sur la consolidation exacte des dégâts, et c’est à ce moment-là qu’on des voûtes qui nous occupe beaucoup en ce moment. Un débat – très intéressant – va s’ouvrir pourra déterminer précisément la nature des aussi au sujet de la flèche. Mais comme pour tout édifice classé monument historique, notre objectif est la conservation maximale de toutes les parties anciennes qui pourront travaux à réaliser et les délais nécessaires. être sauvées et consolidées, dans un esprit de sauvegarde. L’accident terrible qu’a subi Notre-Dame a suscité une émotion planétaire. Un signal très fort d’attachement à ce bien Le délai de cinq ans fixé par le président de commun nous a été envoyé : sa restauration se doit d’être exemplaire, et collective. la République vous paraît-il atteignable ? Dans notre secteur, on se connaît bien, on est solidaires autour de nos monuments, C’est beaucoup plus court que dans le cadre suffisamment pour que le lendemain du drame, des maîtres verriers qui étaient concurrents la veille se regroupent pour déposer les vitraux. Les monuments historiques, nous y vivons d’une restauration classique de monument tous les jours, il y a des savoir-faire magnifiques, et ce projet va sans doute susciter historique, mais c’est réalisable à condition de des vocations pour ces métiers formidables ! » s’en donner les moyens. Il va falloir simplifier HMG ©